Édito
Halte aux clichés sur une Europe propre et une Afrique sale ! Malgré ses stations d’épuration, son tri des déchets et ses normes d’émission de CO², notre Europe est bien plus polluante et polluée que de nombreux pays en développement.
Nos modes de vie et de consommation (nos smartphones, voyages, aliments suremballés, vêtements à bas coût, etc.) ont un prix élevé d’un point de vue social et environnemental. Que faire ? Petits gestes personnels, grands changements de société ? C’est sur cette pollution « masquée » que nous désirons lever le voile dans ce nouveau numéro d’Autre Terre Magazine. Bonne lecture !
Portons chacun notre sac à dos
Si je devais emporter avec moi tous les déchets générés par l’achat de mon smartphone, je devrais m’équiper d’un sac à dos pesant 70kg. Si je faisais pareil avec ma nouvelle voiture, je devrais amarrer une remorque de 70 tonnes.
C’est la notion du « sac à dos écologique » imaginée il y a quelques années par un chercheur allemand nommé Friedrich Schmidt-Bleek. Globalement, on évalue qu’en moyenne, chaque kilo de produit industriel génère 30 fois son poids en déchets.
Face à de tels constats, on peut se tourner vers des gestes individuels tels que l’achat de produits de seconde main, le choix de matériaux renouvelables ou le questionnement de nos besoins.
Toutefois, force est de constater que le principal moteur de ces achats est entretenu par le système capitaliste lui-même. Et celui-ci survit grâce au non-paiement de sa facture environnementale et sociale.
Nous savons qu’il est temps de changer ce système, mais comment ?
Pour Autre Terre, la piste privilégiée passe par une économie aux fondements éthiques solides. C’est le sens du premier critère de l’économie sociale et solidaire : la finalité de service à la collectivité ou aux membres, plutôt que finalité de profit. Ce critère exclut le gaspillage, l’épuisement des ressources naturelles et humaines.
Concrètement, Autre Terre soutient des acteurs de changement qui œuvrent chaque jour à la création de projets économiques innovants, locaux, rémunérateurs et à impact positif pour l’environnement.
Nous croyons fermement que la prospérité ne s’oppose pas à la préservation de l’environnement.
Cachez ce déchet que je ne saurais voir
Par de multiples procédés, nos sociétés occidentales se sont employées ces 40 dernières années à tenter de faire disparaître la masse toujours grandissante des détritus et excédents engendrés par l’augmentation exponentielle et irrationnelle de production de biens et de services.
Dans un premier temps, c’était en tentant d’éliminer ces déchets ; puis par la suite en responsabilisant les citoyens, devenus « éco-citoyens », afin qu’ils trient à la source et apprennent à « bien jeter ». Aux entreprises de production assurant la croissance sans fin de nos sociétés, se sont juxtaposées les entreprises de « traitement des déchets ».
Au milieu, se trouve l’éco-citoyen consommateur, déculpabilisé par l’apprentissage de gestes adaptés permettant de transformer les déchets en des matières propres à être recyclées, valorisées. Le déchet serait le problème, pas le système capitaliste qui l’a engendré.
L’éco-citoyen et le chiffonnier
Dans son ouvrage « Homo Detritus – Critique de la société du déchet », Baptiste Monsaingeon oppose la figure de l’« éco-citoyen », qui jette sans se poser la question du sens de son geste, à celui des « nouveaux chiffonniers ». Ceux-ci, au contraire, considèrent ce qui est laissé de côté par l’autre comme une matière exploitable et interrogent, de cette manière, la conception même de déchet.
Il cite en exemples les projets de donneries ou ressourceries issus de l’économie sociale et solidaire, le mouvement des Freegans qui organisent notamment de « très médiatiques festins de restes » ou encore le lombricompostage qui prône « l’utilisation des vers de terre dans la gestion domestique des rebuts ».
« En se saisissant physiquement des restes, en y trouvant matière à critiquer les choix qui ont fait proliférer l’insoutenable, [le chiffonnier] force à prendre position au présent, à reprendre politiquement la main sur les déchets pour bâtir une contestation collective, …, face à ceux qui prétendent œuvrer à la maîtrise du monde en se l’appropriant ».
Cet article fait partie d’Autre Magazine #3 qui parlait de la gestion des ressources. Pour lire les autres articles, cliquez-ici.