L’Amérique Latine penche à nouveau à gauche : Mexique, Colombie, Chili, Argentine et plus récemment, le Brésil. En 2021, Pedro Castillo, représentant de la gauche péruvienne, a gagné les élections présidentielles au terme d’une bataille contre l’establishment de droite et la fille de l’ancien président Fujimori. Dans les années 90, après la fin du conflit armé péruvien[1], ce dernier avait rétabli une certaine stabilité macroéconomique du pays non sans autoritarisme et corruption.
Aujourd’hui, le Pérou est situé en 84e position de l’Indice de Développement Humain. La pauvreté atteint 25% contre 20% en 2019, et 30% en 2020. L’économie continue à croitre, mais l’inflation est au plus fort et les espoirs de redistribution de richesses se sont dissipés. De l’extérieur, le Pérou agit comme un aimant avec notamment 1,3 millions d’immigrés vénézuéliens. Le Pérou a été touché de plein fouet par le Covid avec 200 000 morts. Il semblait bénéficier d’un vent favorable avec les promesses de dépenses publiques, de nouveaux programmes sociaux et la taxation des entreprises minières.
Pedro Castillo, un sauveur ?
L’état cherchait un sauveur face à une succession de mandats présidentiels s’achevant souvent dans la violence et les poursuites judiciaires. Mais Pedro Castillo et son cercle proche sont à leur tour visés par plusieurs enquêtes de corruption. C’est toutefois le manque de concrétisation des promesses du président en place qui a déçu la population. Ses remaniements incessants de cabinet ministériel ont montré qu’il n’avait aucun allié dans l’arène politique. L’actuel président surfe sur la vague de la dépendance. Mais malgré l’octroi de quelques subsides pour les pauvres, il ne parvient pas à marquer un cap pour son pays.
Paradoxalement, l’Etat péruvien a accumulé des ressources financières sur base de l’exploitation des matières premières, de l’exportation alimentaire et du tourisme. Mais son exécution budgétaire ne suit pas. En cause : la bureaucratie, la rigidité des normes (censées éviter la corruption), le centralisme et la privatisation massive des années 90.
Pedro Castillo a rêvé d’une nouvelle constitution, oubliant qu’il faut commencer par des projets et des politiques tangibles pour les citoyens et citoyennes. Il s’est embourbé dans un affrontement avec le Parlement où prévalent souvent les intérêts de clan. Son objectif est à présent de ne pas être démis d’ici 2026. Il met ainsi au placard : les grands chantiers de lutte contre la corruption, le narcotrafic et les impacts des changements climatiques, l’obtention d’une couverture sociale pour les trois quarts de la population vivant de l’économie informelle et l’intégration ethnique.
Un pays à haut potentiel
Pourtant, les alternatives ne manquent pas dans ce pays au si grand potentiel. La reconversion à l’agriculture durable et la revalorisation des petits producteurs sortirait une frange de la population de la pauvreté. Une véritable politique de soutien à l’économie locale durable permettrait de créer de l’emploi et de s’attaquer à la pauvreté rurale. La construction de transports publics ferroviaires favoriserait la connexion de toutes les villes principales entre elles et dynamiserait l’économie. Encore une fois, le Pérou est à la croisée des chemins !
Constant Piscart
[1] Le conflit armé péruvien est un conflit opposant le gouvernement à deux mouvements communistes : le Sentier Lumineux et le Mouvement révolutionnaire Tupac Amaru. La date de fin du conflit reste débattue, soit 2001 avec le président de transition Valentin Paniagua, soit le conflit est toujours d’actualité pour certain.es spécialistes.
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