Le Burkina Faso (ex Haute Volta) est un pays de diversité ethnique, culturelle, linguistique et religieuse. Malgré cela, les peuples du Burkina ont su développer, depuis de nombreuses générations, des mécanismes sociaux de régulation pour vivre dans la paix et la sécurité, nouant des alliances et activant des protocoles d’entente et de gestion positive des antagonismes.

En cas de conflits la famille, les voisins ou des amis qui sont sollicités pour faire office de médiateurs. Un litige entre éleveur et agriculteur pourra solliciter l’intervention de 4 entre individus, c’est généralement – « sages » tels que les chefs coutumiers et chefs de terre, mais aussi certaines castes sociales telles que les forgerons ou les griots. Leur pardon ne se refuse pas. Notons également l’existence d’une pratique sociale typique au Burkina qu’est la « parenté à plaisanterie » qui permet de désamorcer des conflits entre ethnies. Celle-ci crée un lien de rivalité pacifique entre des clans qui vont s’invectiver tout en respectant un code de conduite bien établi, jugulant les tensions de génération en génération.

Aujourd’hui, s’ils survivent encore, ces systèmes stables tendent à disparaitre

Depuis plusieurs années, le Burkina Faso, traditionnellement érigé en modèle du vivre-ensemble, traverse la pire crise sociale de son histoire. La prolifération des attaques terroristes met à mal l’ordre social et renforce les tensions ethniques jusqu’alors canalisées par ces mécanismes sociaux régulateurs. Bien que des drames interethniques aient déjà eu lieu, ils ne connaissent pas la même intensité que dans d’autres pays voisins. L’avenir d’un Burkina Faso paisible et débarrassé des conflits est conditionné par sa capacité à maintenir et renforcer le lien social entre les communautés et par le développement d’un sentiment d’appartenance à une même nation.

La juste répartition des richesses, l’accès aux biens publics et aux droits sont des prérequis importants à l’ordre socio-politique du pays, qu’il soit coutumier ou moderne. Il convient donc d’encourager les populations à explorer des solutions collectives et endogènes aux problèmes actuels. Les chefs coutumiers et traditionnels, au regard de leur légitimité et de leur proximité avec la population, doivent pouvoir jouer un rôle essentiel dans ce renforcement de la cohésion sociale. Leurs forces mobilisatrices et unificatrices constituent un maillon fort dans le dispositif interne de prévention et de gestion positive des conflits.

Deux chefs coutumiers se sont particulièrement illustrés dans leur engagement pour la paix

Maître Titinga Frédéric Pacere

Il est le premier avocat du Burkina Faso et chef coutumier du village de Manega dans la province de l’Oubritenga. Homme de lettres et préoccupé par la multiplication des violences terroristes dans son pays, ce sage a entrepris des initiatives locales pour restaurer la cohésion sociale. Il est en effet à l’origine de l’Appel de Manega qui vise à «lutter pour la paix et la réconciliation au Burkina Faso» (15 juin 2019). Cet appel se veut un espace de dialogue et de réflexion sur le rôle de la chefferie traditionnelle dans la restauration de la paix et de la cohésion sociale. Selon lui, le service que la chefferie coutumière peut offrir est surtout d’encourager, par la sensibilisation, aux valeurs de bravoure et de lutte pour la sauvegarde du pays.

Une statue dédié à la lutte contre la pauvreté, érigé à Manega, village de Pacere, au Burkina Faso
Une statue dédié à la lutte contre la pauvreté, érigé à Manega, village de Pacere, au Burkina Faso

Amiirou Saali Dramane Sidibé

Il est le chef suprême des Peulhs de Barani (département et commune rurale du Burkina Faso). Très attentif à la préservation de la paix sociale, il a placé son mandat sous le signe de la concorde. Il est l’initiateur de plusieurs actions: En 2009, en décidant d’introniser le tout premier chef coutumier peulh dans la commune de Boo Dioulasso, il a ainsi manifesté son souhait de cohabitation pacifique entre les Bobos et les peulhs et a renforcé la «parenté à plaisanterie» entre les deux communautés.

En 2016, les élections municipales ont engendré une fracture sociale entre les communautés peulhs et bwabas. A la céré- monie de réconciliation de janvier 2019 qui a regroupé les filles et fils des deux communautés, il a lancé un appel aux dignitaires et aux conseillers municipaux afin de prêcher la paix et la cohésion sociale. Avec l’aide de médiateurs, cette crise a été réglée en 2020.


Cet article fait partie d’Autre Terre Magazine #8 qui parle du Burkina Faso. Pour lire les autres articles, cliquez-ici.

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