La neutralité carbone est devenue LE terme à la mode pour parler de lutte contre le changement climatique. Or, derrière cette formule à l’apparence simple, se cachent de nombreux enjeux. Nous avons rencontré Brigitte Gloire1 pour en parler.
1 Agronome de formation, spécialiste des enjeux du développement durable et membre du Conseil d’Administration de FIAN
Qu’est-ce que la neutralité carbone ?
La neutralité carbone est une interprétation, par certains acteurs, de l’article 4 de l’Accord de Paris sur le climat. Celui-ci fait référence à l’équilibre à atteindre entre les émissions de gaz à effet de serre (GES) liées à l’activité humaine et le retrait de ces gaz par l’être humain.
Mais, en l’absence de définition claire, cette notion de « neutralité carbone » affaiblit l’objectif de véritables réductions pour atteindre zéro émissions et occulte la responsabilité des plus gros émetteurs. Au lieu de diminuer la pollution, elle ouvre la porte au commerce du droit de polluer car une entreprise n’est plus incitée à diminuer ses émissions de CO2 mais plutôt à les compenser. Si toutes les entreprises adoptaient cette méthode, cela nécessiterait de larges quantités de terres pour planter des monocultures forestières. Cette nouvelle ruée sur les terres provoquerait des conflits fonciers, des exactions au niveau des droits humains, une insécurité alimentaire mondiale généralisée mais aussi des perturbations irréversibles des écosystèmes et de l’environnement planétaire.
Peut-on dire que la neutralité carbone est une forme de greenwashing ?
Indirectement car certaines entreprises font ainsi croire qu’elles ont une politique ou des valeurs écoresponsables.
Globalement, beaucoup de multinationales disent qu’elles vont diminuer leurs émissions sans expliquer la façon pour y parvenir. Mais séquestrer les GES ne réduit pas les émissions. Ces séquestrations ne seront jamais permanentes et il n’y a pas assez de place sur Terre pour tout absorber.
source : Oxfam international (2021) « Pas si net : les conséquences des objectifs climatiques « zéro émission nette » sur l’équité foncière et alimentaire »
Pouvons-nous avoir un impact à notre échelle ?
Notre modèle économique reste encore trop largement basé sur le « laisser faire », la spéculation financière, le productivisme et la surconsommation. Mieux réguler et réajuster notre modèle économique non pas sur le profit mais en fonction d’objectifs sociaux dans les limites planétaires est donc incontournable.
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