Autre Terre a eu l’occasion de rencontrer en mai dernier Killa Becerra Jacanamijoy, leader indigène et ex-gouverneur du peuple Inga, et Gabriel Marrugo Ávila, défenseur des droits humains. Tous les deux sont membres de la « Corporación Artesanos por la Vida » (Artisans pour la vie). Cette organisation, créée en 2018, fait appel à l’unité des peuples indigènes afin de « tisser » ensemble un réseau pour la protection des territoires de l’Amazonie contre les menaces des groupes armés et des multinationales présentes dans la région du Chocó.
Lors de notre rencontre, nous apprenons que cette région de la Colombie est considérée comme l’une des zones critiques pour la biodiversité mondiale. Cette région possède le plus grand nombre de plantes endémiques d’Amérique du Sud. La région du Chocó présente aussi un sous-sol très riche en ressources, notamment en or et autres métaux précieux.
Depuis le début du siècle dernier, ces ressources ont suscité l’intérêt des multinationales qui ont extrait ses réserves. Aujourd’hui, ce sont des entreprises d’exploitation forestière et de production d’huile de palme. S’ajoutent de grandes entreprises énergétiques européennes et leurs mégaprojets hydroélectriques qui menacent la région. La présence de ces compagnies a généré des conséquences socio-environnementales dévastatrices telles que l’appropriation illégale de terres, la contamination de rivières et des déplacements forcés. L’absence d’une règlementation efficace de l’État a aussi entrainé l’évasion fiscale des entreprises. Et cela a conduit à un scénario de pauvreté et de violence dans la région.
Malgré cette situation, les communautés indigènes présentes dans le secteur du « Bajo Atrato » (rivière de la région du Chocó) résistent. Elles se sont organisées pour lutter contre ces injustices et pour défendre les intérêts des populations indigènes. Killa et Gabriel nous parlent d’un système de sécurité et de protection développé depuis 7 ans. Ce système permet d’assister les populations affectées et d’arriver sur des zones reculées en moins de 48 heures. Cette organisation a mis aussi en place un fond commun pour aider économiquement ces populations en détresse.
Les deux activistes vont visiter plusieurs pays en Europe. Ils souhaitent faire connaître le vécu des populations affectées par des multinationales et des groupes paramilitaires engagés par ces entreprises. Ils dénoncent aussi la vision anthropocentriste du monde occidental. Des mesures sont prises quand la destruction de la nature a un impact sur le bien-être des humains. En 2016, la Cour constitutionnelle colombienne a reconnu comme sujet de droit la rivière Atrato pour le rôle qu’elle joue dans le mode de vie des populations qui habitent son bassin. Killa et Gabriel regrettent que cette décision soit arrivée trop tardivement. Seulement quand les effets de sa contamination affectaient les populations des grandes villes.
Cependant, pour les communautés indigènes de l’Amazonie la nature est sacrée. Il faut tout faire pour la protéger au-delà des intérêts humains et/ou économiques. Les deux membres de la corporation nous demandent de les appuyer dans la défense des droits de la nature et des communautés indigènes en diffusant ce message.
NB : Nous tenons à remercier le CNCD et INTAL pour l’organisation de la rencontre.
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d’Autre Terre Magazine
qui parle du vol économique des pays du Sud.