Après 60 ans d’indépendance et une perfusion continue de la coopération au développement internationale, le Burkina Faso stagne à la 182ème place de l’IDH. Il vit depuis quelques années dans un état d’insécurité croissant. Tour d’horizon économique et politique du pays.

Pour en apprendre davantage, retrouvez en fin d’article le podcast « Le Débat africain : 60 ans d’indépendance du Burkina Faso, quel bilan ? »

Deux élections libres en 60 ans

Petit pays enclavé d’Afrique de l’Ouest, le Burkina Faso a vécu de nombreux troubles politiques. Dès leur mainmise en 1898, les Français instrumentalisent les institutions et chefferies locales pour contrôler le pays en vue d’extraire les richesses sous-terraines et d’auto-financer la colonie. Malgré la très forte résistance des populations, le territoire de l’actuel Burkina Faso entre sous le régime colonial français en 1919. Depuis l’indépendance en 1960, les coups d’États, l’« unipartisme » et le «clientélisme» ont été monnaie courante. A tel point que seules deux élections sont considérées comme « libres » (1978 et 2015).

Ligne du temps Burkina Faso
Ligne du temps Burkina Faso

Après la courte mais marquante expérience sociale de Thomas Sankara (1983-1987), le long règne de Blaise Compaoré (1987- 2014) apporta de la stabilité. Mais il contribua également à la situation explosive que le pays connait actuellement ; en muselant toute opposition par le clientélisme, en jouant un jeu trouble sur la scène internationale par le biais de médiation ou d’appui aux conflits externes et surtout en maintenant le pays dans un état de pauvreté alarmant.

Un pays aux maigres ressources

Sans accès à la mer, presque sans réseau ferroviaire et sans voie d’eau navigable, le Burkina Faso dépend de ses routes vétustes pour son commerce international. Avec une balance commerciale structurellement négative depuis de très nombreuses années, le Burkina s’appuyait traditionnellement sur l’exportation du coton et des fruits. La découverte de très importants gisements d’or depuis 10 ans a complètement bouleversé la donne en accaparant 90% de la valeur des exportations. Les investissement étrangers affluent dans le secteur minier et sont à peine ralentis par l’insécurité. Malheureusement, ces ressources ne bénéficient que très peu au peuple burkinabè qui revendique un meilleur partage de la manne aurifère.

Un hotel au Burkina Faso

Une insécurité croissante, une perte de souveraineté

Depuis 2014 et le départ de Blaise Compaoré, le Burkina Faso a vu, d’abord insidieusement, puis très frontalement, se développer le terrorisme sur son territoire. Trouvant refuge dans les bandes frontalières et les zones délaissées par l’État, les groupes armés rançonnent la population, chassent les édiles, ferment les écoles et imposent petit-à-petit leurs lois. Cette insécurité met en lumière la tension existante entre une ruralité extrêmement pauvre et des élites urbaines beaucoup plus aisées. La fuite des autorités judiciaires et communales, le recul de l’armée et de la police finissent de rendre l’État invisible dans ces régions où les populations abandonnées prennent la fuite (1.000.000 de réfugiés !), se résignent ou rejoignent les rébellions par défiance face à un État absent.

« Si nous nous couchons, nous sommes morts« 

Malgré tout, se tourner vers l’avenir

Malgré un tableau peu optimiste, le Burkina Faso n’est pas sans atout. La maturité de sa société civile a été admirée par le monde entier lors du changement de règne de 2014-15 et laisse entrevoir une stabilisation de la démocratie. Sa jeunesse, tournée vers l’avenir et vers le monde, est très active, éduquée et entrepreneuse. L’afflux financier provoqué par l’exploitation de l’or, s’il est bien géré notamment au niveau environnemental, peut devenir une opportunité majeure. Le développement incroyable des pagnes locaux portés fièrement par les élégants et élégantes est un symbole de réappropriation culturelle et économique fort. Finalement, au niveau culturel, le Burkina Faso reste un lieu incontournable en Afrique de l’Ouest pour les arts de la scène et le cinéma.

Un famille burkinabé. Des mamans et leurs enfants

Le peuple burkinabè reste donc debout devant l’adversité. Il fait honneur à la maxime de son plus grand historien, Joseph Ki-Zerbo, « N’an laara, an saara » « Si nous nous couchons, nous sommes morts ».

Pour en savoir plus :

« Aujourd’hui, 5 août 1960, à zéro heure, au nom du droit naturel de l’homme à la liberté, à l’égalité, à la fraternité, je proclame solennellement l’indépendance de la République de Haute-Volta » Maurice Yaméogo, premier président du pays.Quels bilans politique, économique, social et culturel peut-on tirer de ces soixante ans d’indépendance ?

Avec :

  • Salimata Nebie, secrétaire générale du think tank Burkina International, et analyste de politiques et de programmes en gouvernance et sécurité
  • Yero Boly, haut cadre burkinabè
  • Dr Ra-Sablga Seydou Ouédraogo, économiste-chercheur, président de l’Institut d’études économiques Free Afrik
  • Serge Bambara, dit Smockey, rappeur, acteur et membre fondateur du mouvement Le balai citoyen.

Cet article fait partie d’Autre Terre Magazine #8 qui parle du Burkina Faso. Pour lire les autres articles, cliquez-ici.

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