Partout dans le monde, la lutte pour sauvegarder le patrimoine semencier paysan reste toujours très vive. Afin de mieux cerner les enjeux actuels, nous avons fait le point avec le Docteur Soungalo Soulama, chercheur au sein de l’Institut National de Recherche Agronomique au Burkina Faso et chargé de mission à la Commission Nationale de Gestion des Ressources Phytogénétiques.

Quel est l’état de la situation en Afrique de l’Ouest concernant l’usage des semences paysannes ?

Actuellement, il y a deux systèmes semenciers qui se chevauchent : le système conventionnel (NDR : semences commerciales hybrides) et le système informel mais qui reste dominant. Fort heureusement le paysan utilise encore majoritairement ses semences paysannes. Celles-ci représentent encore plus de 80% des semences utilisées sur le terrain et assurent toujours la sécurité alimentaire de la population.

Cependant, rien n’est fait pour les conserver. Avec le climat qui se dégrade, on utilise et on conserve principalement les semences paysannes à cycle court ce qui crée une érosion génétique forte. Les semences peu utilisées actuellement, comme celles à cycle long sont menacées. À notre niveau, aucune semence ne peut être taxée de n’avoir aucune utilité. C’est le résultat de croisements qui ont duré des siècles. Dans une semence, il y a une valeur que nous ignorons peut-être aujourd’hui et qui aura une valeur demain. Ces semences sont difficilement conservées car le paysan n’y voit pas son intérêt.

La société civile a réalisé un plaidoyer important concernant les droits des paysan·nes à utiliser leurs propres semences. Où en est-on dans ces luttes ?

Au Burkina, le plaidoyer de la société civile fonctionne au niveau des dirigeants. Il est appuyé par la Commission Nationale des ressources phytogénétiques et nos dirigeants y sont attentifs. En 2019, une loi a été adoptée pour contrôler les flux semenciers. Cependant au niveau de la CEDEAO1 , il existe des lois intercommunautaires qui contraignent les états. Donc on ne sait pas trop comment conserver nos semences à long terme.

La question des semences OGM a également fortement mobilisé les ONG locales. Y a-t-il encore des risques à ce niveau-là ?

Le risque zéro n’existe pas mais au niveau du Burkina, le coton BT y a été interdit, ce qui n’est pas une mauvaise chose. Au niveau des OGM, on a une institution qui doit réguler tout ce qui est biotechnologie. Tout ce qui rentre au Burkina doit être assorti d’un passeport et de règles bien précises mais de nombreuses semences sont non-déclarées et tombent dans « l’informel ». On ne peut donc pas les contrôler.

En quoi utiliser ses propres semences est-il un enjeu pour la souveraineté alimentaire ?

Qui parle d’agriculture parle de ses semences. C’est la matière première de l’agriculture. Si on rate ses semences, on rate son agriculture. Dans l’agriculture, il y a le mot culture. Celui qui perd ses semences, perd sa dignité et sa souveraineté. À travers ce combat pour conserver nos semences, nos ressources, on mène aussi un combat pour garder notre dignité alimentaire.

Qui parle de souveraineté alimentaire ne peut pas occulter la conservation des semences paysannes.

Quels sont les futurs combats à mener pour la société civile en ce qui concerne les semences ?

Les défis de demain seront de pouvoir peser sur nos États et sur l’international également pour que nos populations prennent conscience que c’est un véritable enjeu et une véritable menace qui va se poser sur notre espace. La société civile est sur la bonne lancée mais doit avoir plus de moyens pour influencer les décideurs. C’est le combat de la dignité et de la souveraineté.


Cet article fait partie d’Autre Terre Magazine #11 qui parle des semences. Pour lire les autres articles, cliquez-ici.

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